La demande de green bonds sera-t-elle durable ?

Comme les bus londoniens, les green bonds (ou obligations vertes) semblent toutes arriver en même temps. Initiées à partir de 2006, environ 30 à 40 émissions de green bonds ont désormais été lancées sur le marché. Alors qu’elles restaient peu connues voici seulement un an, un grand nombre d’investisseurs est aujourd’hui désireux d’en savoir plus à leur sujet. Les green bonds sont-elles une mode passagère ou l’engouement les concernant est-il appelé à durer ?

Les émissions se multiplient

A la fin de 2014, le montant total des émissions de green bonds approchera les 50 milliards de dollars, contre 10 milliards il y a deux ans. Alors que le rythme des émissions s’accélère (voir le graphique ci-dessous), rares sont les classes d’actifs qui peuvent se targuer de connaître une telle croissance.
 
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En quoi consistent les green bonds ?

Malgré la croissance des volumes d’émissions, les green bonds restent un marché de niche, avec environ 11 milliards de dollars émis en 2013, alors que l’encours total du marché obligataire s’élevait à 95 000 milliards de dollars en 2011. Sans surprise, compte tenu de la très faible proportion qu’elles représentent, peu d’investisseurs seraient réellement capables de les définir ou d’en expliquer l’objet. Selon Chris Wigley, gérant de portefeuille senior chez Mirova, outre les caractéristiques habituelles que sont la maturité et le coupon, une green bond est destinée à financer des projets aux impacts positifs sur l’environnement.

« Nous prenons en compte quatre catégories d’impact environnemental : le changement climatique, les ressources, la pollution et la biodiversité, explique Chris Wigley. Chaque projet financé au moyen de green bonds doit faire l’objet d’un examen en interne pour déterminer s’il s’accompagne d’un impact environnemental élevé ou significatif. »

L’attrait pour les émetteurs

A l’origine, le marché des green bonds se composait principalement d’émissions d’organismes supranationaux, de banques de développement et d’agences internationales, mais l’année 2014 a vu l’arrivée en masse des émissions d’entreprises. Ainsi, bien qu’elles ne soient apparues qu’en 2013, les émissions d’entreprises représentent désormais près de la moitié du volume total d’émissions de green bonds (voir le graphique ci-dessous).

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Sachant que les émissions de green bonds ne s’accompagnent pour l’heure d’aucune réduction des coûts de financement, il peut sembler étonnant que les émetteurs acceptent les complications associées en termes d’organisation interne, de reporting et de conseil dans le simple but de lever des fonds qu’ils auraient pu obtenir sur le marché traditionnel en offrant un rendement similaire.

Quelle est donc leur motivation ? En premier lieu, l’émission d’obligations assorties de caractéristiques environnementales démontre l’engagement des entreprises en faveur du développement durable de façon plus crédible que la simple publication d’un rapport à ce sujet. L’image de marque de l’entreprise peut ainsi s’en trouver renforcée.

En second lieu, bien que plus onéreux par rapport aux obligations traditionnelles, le reporting n’impose qu’un très faible surcoût.

Enfin, les green bonds permettent de diversifier la clientèle d’investisseurs. Dans le cas des green bonds émises par la Banque africaine de développement en octobre 2013, les sociétés de gestion, les compagnies d’assurance et les fonds de pension représentaient plus de 70 % des souscriptions.

L’attrait pour les investisseurs

Ce jeu se joue à deux : les émetteurs ne peuvent placer leurs obligations que si les investisseurs sont disposés à les acheter. A cet égard, la situation est on ne peut plus favorable : les émissions de green bonds sont généralement deux à trois fois sursouscrites, selon l’organisation Climate Bonds Initiative.

Du point de vue des investisseurs, le marché « vert » semble offrir des avantages potentiels considérables. Premièrement, tout comme l’émetteur, les investisseurs peuvent améliorer leur image de marque. Deuxièmement, les rendements étant déterminés par la notation de l’émetteur, l’investisseur perçoit le même taux de rendement pour un émetteur donné, qu’il s’agisse ou non de green bonds. Le rendement des green bonds (1,46 %) est très légèrement inférieur à celui de l’indice global iBoxx (1,54 %) , mais cette disparité tient uniquement au fait que leur échéance moyenne est nettement plus courte (5,38 ans pour les obligations vertes ou sociales contre 6,96 ans pour les obligations traditionnelles).

Troisièmement, les contraintes imposées aux émetteurs de green bonds permettent davantage de précision et de transparence concernant l’utilisation des fonds levés.

Comme l’indique Chris Wigley, « du point de vue de l’investisseur, les green bonds permettent de financer le changement environnemental, tout en obtenant un rendement conforme au marché et en bénéficiant d’une pleine transparence concernant leur placement. »

Justifier l’appellation « verte »

N’allons pas en conclure que les green bonds ne suscitent aucun scepticisme. Face à l’absence de définition normée de la classe d’actifs au plan international, les investisseurs ne peuvent être certains d’obtenir le produit auquel ils s’attendent. Autrement dit, il est possible que l’appellation « verte » appliquée à une obligation soit injustifiée.

Ce risque a conduit à la création des « Green Bond Principles » (Principes pour des obligations vertes) en janvier 2014. Pour éviter une situation indésirable dans laquelle la classification de titres dans la catégorie des green bonds incomberait aux seuls émetteurs, ces Principes, lancés conjointement par quatre banques, fournissent un cadre contribuant au développement du secteur. Les Principes ont jusqu’ici rassemblé plus de 60 signataires et sont désormais placés sous l’égide de l’IMCA (International Capital Markets Association).

Au lieu de tenter de définir l’impact environnemental, les Principes portent sur les critères de gouvernance appliqués aux obligations vertes, notamment :

  • Les types d’instruments de crédit qui entrent dans la catégorie « verte »
  • Les caractéristiques des titres, y compris une description de l’utilisation des sommes levées
  • Des informations, sous forme d’un rapport annuel dédié, sur les projets ou l’impact résultant de l’émission
  • Un audit externe visant à confirmer la véracité des informations communiquées.
Les green bonds sont-elles viables à long terme ?

Les obligations vertes deviendront-elles une composante importante du marché obligataire ou ne sont-elles qu’un gadget visant à exploiter la demande insatiable d’émissions ?

Si le secteur connaît indéniablement un développement considérable, il existe toutefois des risques susceptibles d’enrayer sa progression.

Le plus important d’entre eux serait que le pédigrée environnemental d’une grosse émission médiatisée se révèle injustifié et que sa valorisation en subisse les conséquences. « Nous devons être vigilants, souligne Chris Wigley. Chaque projet, chaque activité s’accompagne d’externalités sociales et environnementales négatives et positives qui varient durant son cycle de vie. »

Le manque de documentation, contrairement au financement d’infrastructures, fait qu’il est difficile de déterminer précisément la manière dont sont gérés les risques environnementaux et sociaux associés aux projets sous-jacents. Dans une certaine mesure, les investisseurs se fient aux données de l’émetteur relatives à la gestion de ces risques.

« Certaines bonnes pratiques se distinguent, indique Chris Wigley. J’évoquerais les green bonds émises par KFW, qui financent des projets d’énergie renouvelable dans les domaines de l’éolien et du solaire. KFW a mis en avant l’impact attendu en termes de réduction des gaz à effet de serre et de créations d’emplois. Cependant, ce niveau de détail reste une exception pour le moment. »

Un autre risque concerne la liquidité. A l’origine, les émissions étaient de taille modeste et les obligations étaient amassées par des investisseurs à long terme ou axés sur l’investissement socialement responsable. Toutefois, suite au lancement de plusieurs émissions d’une valeur supérieure à 1 milliard de dollars ces douze derniers mois et alors que les volumes d’émissions connaissent une forte croissance, la liquidité devient de moins en moins problématique. En fait, la profondeur du marché désormais est telle que plusieurs sociétés de gestion, dont Mirova, envisagent actuellement le lancement de stratégies obligataires purement axées sur les titres environnementaux. Mirova, notamment, applique une approche active à la gestion des green bonds qui vise à identifier les émissions sous-valorisées et à déceler des rendements attrayants, en fonction de la solvabilité estimée de l’émetteur. Toutefois, il faut également s’attendre à une prolifération des produits indiciels.

« Chaque projet, chaque activité s’accompagne d’externalités sociales et environnementales négatives et positives qui varient durant son cycle de vie. »

Au départ, les investisseurs sont susceptibles de classer les stratégies actives et passives parmi les allocations « ESG » de leurs portefeuilles, mais à mesure de l’expansion de la classe d’actifs au fil du temps, elles pourraient finir par s’inscrire au sein d’une allocation obligataire « core ». Comme l’explique Chris Wigley, la réussite d’un investissement en green bonds requiert une due diligence aussi rigoureuse que pour n’importe quel autre placement. « Le label ‘vert’ ne donne aucune garantie. »

Les défis à relever pour le marché

S’il est vrai que le marché des green bonds semble bien se porter, l’accélération de sa croissance pourrait dépendre de quatre facteurs clés :

  1. L’accroissement des émissions d’entreprises assorties d’une plus large fourchette de notations (y compris BBB et émetteurs à haut rendement)
  2. L’émergence d’un plus grand nombre d’émetteurs nord-américains et asiatiques
  3. L’émergence d’un plus grand nombre d’émetteurs souverains
  4. De nouvelles émissions de la part d’émetteurs existants afin de produire des courbes de rendement valables
« L’accroissement du nombre d’émissions assorties de différents profils de crédit et d’échéances variées est essentiel pour assurer l’expansion de ce marché et le rendre encore plus attrayant aux yeux des investisseurs, indique Chris Wigley. Ces derniers auront ainsi l’assurance de jouer un rôle dans le financement de la nécessaire transition énergétique. »


Publié en décembre 2014

MIROVA
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