L'État est sur le point de faire adopter le projet de loi Pacte (Plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises) avec des conséquences en matière d'épargne qui vont modifier le paysage du financement de la retraite en France.

Key Takeaways:

  • Le poids relatif de la retraite par répartition est appelé à reculer en France et les citoyens doivent se constituer un complément de retraite.
  • Avec la loi PACTE, le gouvernement souhaite améliorer les nombreux et complexes dispositifs d’épargne retraite. L’objectif est de tenir compte de carrières moins linéaires, d’encourager fiscalement les versements volontaires et de faciliter la comparaison entre les dispositifs et les modes de sortie.
  • Les attentes de l’épargnant en termes de conseil personnalisé vont s’amplifier, tant pendant la phase d’accumulation que de libération du capital retraite.
  • L’allongement de l’horizon d’investissement et les changements dans l’allocation de l’épargne des français contribueront à financer l’économie réelle et améliorer le financement des petites et moyennes entreprises.
Q: Quel est l’enjeu de favoriser l’épargne retraite en France ?

R: Les français ont le taux d’épargne le plus élevé du monde en mettant de côté environ 16% de leur revenu annuel. Pour autant, l’épargne retraite est aujourd’hui peu développée en France. Lorsque 100 euros de prestations de retraite sont versés par an, 2 à 3 euros proviennent de la capitalisation d’une épargne, alors que l’on parle d’environ 15 euros en moyenne pour les pays de l’OCDE, et même de 25 en Allemagne ou de 50 au Royaume–Uni. Ceci n’est pas étonnant dans un pays où la retraite par répartition est encore très généreuse, ce qui n’a rien d’incitatif. Mais à l’heure où cette répartition devrait reculer et le taux de remplacement décliner, il est impératif que les citoyens prennent en main le financement d’un complément de retraite. Or, les purs produits d’épargne représentent seulement 190 milliards d’euros d’encours, quand l’assurance-vie en totalise 1700 milliards et que l’immobilier constitue souvent la première façon de construire un patrimoine en vue de la retraite. Enfin, les placements des français sont souvent à trop court-terme, faisant apparaître un coût d’opportunité en rendement dans le but de réduire le risque au maximum. Mais, aujourd’hui, un individu de 65 ans a quasiment 25 ans d’espérance de vie, ce qui représente un horizon d’investissement très long-terme.

Q: Quels sont les objectifs de l’État ?

R: L’État semble renoncer à unifier tous les produits de retraite. En revanche, plusieurs objectifs sont visés.

  • D’une part, la portabilité des produits devrait permettre de moderniser le système car les épargnants pourront avoir un parcours de carrière dans lequel ils sont alternativement salariés ou entrepreneurs voire fonctionnaires et néanmoins conserver leur produit. Cette transférabilité visera également à mettre en concurrence de façon plus transparente les fournisseurs d’épargne.
  • D’autre part, un alignement de la fiscalité, sans abolir les produits existants, les rendra tous comparables, ce qui va tout de même dans le sens d’une simplification du parcours d’épargne d’un citoyen. La fiscalité sera d’ailleurs rendue attractive, dans le sens où, pour chaque versement volontaire, l'épargnant aura droit à une déduction fiscale dans son impôt sur le revenu.
  • De plus, sur tous les fonds d'épargne retraite, le conjoint pourra systématiquement avoir droit à une option de réversion en cas de décès du conjoint. Pour le moment, cela n'est possible que sur certains contrats.
  • Enfin, une souplesse à la sortie devrait permettre aux épargnants d’effectuer un choix plus explicite sur le mode de récupération de leur capital accumulé, entre de la rente ou des rachats partiels programmés, voir un panachage des deux. Une fiscalité plus lisible devrait permettre de rendre neutre l’un ou l’autre des modes de sortie. En lissant les flux à la sortie et en libérant la fiscalité à l’entrée, le gouvernement espère mieux flécher l’épargne vers des produits retraite et injecter au minimum 60 milliards d’euros par an dans l’ensemble des supports.
Q: Précisément, tous les supports seront-ils traités de la même manière dans leur mode de sortie ?

R: Si l’on en croit ce qui se profile, seules les cotisations obligatoires que salariés et entreprises placent sur les produits retraite donneraient obligatoirement lieu à une rente. Toutes les autres sommes investies (participation, intéressement, abondements de l’employeur ou versements volontaires) seraient également récupérables en capital, peu importe le produit. Actuellement, seul le Perco permet de récupérer à terme l’intégralité de son capital. Les contrats Article 83 et Madelin ne se dénouent que sous forme de rente. Dans un Perp, 20% maximum de l’épargne constituée peuvent être perçus sous forme de capital. De même, la possibilité de déblocage anticipé avant la retraite des sommes placées sur ces produits d’épargne retraite serait également étendue à tous les dispositifs en cas d’achat d’une résidence principale. Une option qui était jusqu’à présent réservée aux seuls Perco. Là encore, cela va dans le sens d’une simplification et une harmonisation des dispositifs.

Q: Les possibilités de sortie s’élargissant, qu’est-ce que cela implique ?

R: D’abord rappelons que la rente est souvent mal perçue par les investisseurs car l’aliénation du capital ne permet pas la transmission, même si les retraités sont habitués à la rente, ne serait-ce que parce que la pension officielle issue du premier pilier est versée sous forme de rente. Du coup, une sortie libre en séquence de revenus, laissant l’épargnant libre de sa décumulation, permettra de moduler le montant des flux de retraite en fonction de ses besoins réels. Maintenant, il faut être clair, les attentes sur les producteurs ou les distributeurs en termes de conseil vont s’amplifier. En effet, si nous souhaitons que les épargnants mesurent bien les risques de marché, la possibilité d’une longévité qui s’accroit ou le besoin de revenus supplémentaires en plus de leur retraite officielle, le rôle du conseil va être au cœur d’une bonne stratégie d’investissement. Et ceci durant la phase d’épargne comme celle de l’utilisation la capitalisation en phase de retraite.

Q: Quelle forme peut prendre ce conseil ?

R: Les gens ayant une certaine surface financière pourront bénéficier de davantage de personnalisation. Mais pas seulement. De ce point de vue, le recours au numérique devrait aussi pouvoir accompagner le plus grand nombre et démocratiser le conseil pour donner accès au plus grand nombre de personnes, y compris ceux ayant des accidents de parcours. D’une certaine manière, une relation individuelle avec l’épargnant est rendue possible avec une assistance par des outils. La revalorisation du rôle de conseil sera la clé de la réussite et le sur-mesure la règle. Ainsi, le choix de la solution technique pendant l’accumulation du capital comme celui de la séquence de sortie seront déterminants pour vérifier que cela est bien en phase avec les objectifs d’un épargnant. L’éducation financière pourra aussi s’effectuer par de la pédagogie sur les produits. Des réflexes simples comme des options par défaut sur des fonds générationnels d’allocation pilotée, désensibilisant progressivement le risque au voisinage de la retraite, peuvent montrer le rôle du temps dans une stratégie de placement. Les versements volontaires réguliers peuvent également contribuer à créer un effet de lissage sur la volatilité des placements. La liberté dans les modalités d’emploi des sommes épargnées issues de l’intéressement et de la participation rendra flexibles les choix pour modifier le cap de la stratégie d’investissement en cours de route. De même, le fractionnement d’un capital par rachats programmés devra s’encadrer par une bonne compréhension de ce que cela veut dire pour vivre le plus longtemps possible de son capital. Car si cela n’est pas le cas, la rente restera la solution de facilité.

Q: Justement quelle peut être l’offre de produits d’épargne ?

R: Elle reste encore à peaufiner. Tous les schémas de sécurisation progressive seront les bienvenus. L’horizon d’investissement s’allongeant, on peut imaginer qu’il soit possible d’introduire des produits plus long-terme dans les portefeuilles y compris avec du non-coté. Cela continuera de donner du sens à son épargne, avec des épargnants qui sentiront que leur investissement est utile. Cela remplit également l’un des objectifs du gouvernement avec le financement de l’économie réelle par cette épargne longue et devrait améliorer le financement des petites et moyennes entreprises. Mais attention, cela ne doit pas être une finalité mais plutôt une conséquence, et l’intérêt de l’investisseur doit rester l’objectif prioritaire. De la même façon, la prise en compte de critère environnementaux et sociaux, qui sont des tendances sociétales autours desquelles tout le monde se retrouve, devrait être indissociable des stratégies d’investissement.

Q: Et pour après-demain ?

R: Parvenir à réorienter l’épargne vers des produits retraite et faire simplifier le dispositif complexe du Perco, des Article 83, du Madelin et du Perp sera long. Il faut regarder cette inflexion sur plusieurs années. On sait aussi qu’une volonté corollaire est de doubler le nombre de salariés qui bénéficient de l’intéressement car la situation actuelle n’est pas satisfaisante. Ensuite se posera la questios d’articuler des produits de Prévoyance à cette dynamique, notamment face aux enjeux de la dépendance, car il s’agit de la question qui vient rapidement après. Même si certains produits existent déjà, l’arbitrage de l’épargne (quand elle existe) entre les besoins de court-terme de précaution, des projets plus moyen-terme, la retraite, la prévoyance… reste un véritable challenge pour la plupart des particuliers. C’est donc toute la question de la priorisation des projets, par nature très différente.

 


Publié en juin 2018

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