Les marges de manœuvre de certaines caisses de retraite par répartition en matière de gestion financière autorisées actuellement pourraient être restreintes par un projet de décret du ministère des affaires sociales.

Points clés

  • Une réforme applicable dès janvier 2017 vise à imposer de nouvelles contraintes d’investissement à de nombreuses caisses de retraite.
  • Ces contraintes risquent de brider leur capacité à investir dans l’économie réelle (private equity, infrastructures, dette privée), à diversifier géographiquement leurs actifs hors de l’OCDE et à utiliser des fonds dédiés en leur substituant des fonds mutualisés moins adaptés à leurs besoins.
  • Dans le contexte actuel de taux bas favorable aux actifs non traditionnels, disposer de marges de manœuvre suffisantes est un point clé pour la saine gestion des caisses
Un projet de réforme de la gestion financière des caisses de retraite françaises est en cours. Il est porté par le ministère des affaires sociales et devrait prendre la forme d’un décret remplaçant celui du 25 octobre 2002 et applicable progressivement à compter du 1er janvier prochain.

Un projet de réforme dans la continuité du rapport de l’IGAS

Le périmètre concerné est assez large puisqu’il inclut plusieurs régimes de retraite par répartition, comme l’IRCANTEC (retraite des agents non titulaires de l’Etat), qui verse chaque année 2,6 milliards d’euros de retraites et de capitaux, les différentes caisses de retraite des professions libérales regroupées au sein de la CNAVPL, mais aussi le RSI, régime social des indépendants (17,7 milliards d’euros de prestations versées chaque année), ainsi que quelques autres caisses de retraites autonomes.

 

La réforme souhaitée par les autorités fait suite à une série de rapports de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) rendus en juin 2013 sur la gestion des caisses de retraite, qui critiquaient notamment des pratiques de gestion jugées inappropriées, tels que l’usage de produits « complexes et risqués », dont les produits de gestion alternative, par exemple. L’idée du décret est donc de redéfinir dans un sens plus restrictif les limites dans lesquelles certaines catégories d’actifs peuvent entrer dans le portefeuille géré par les caisses concernées. Dans sa rédaction initiale, il prévoit ainsi de limiter à 25% la part des investissements en titres de capital et à 5% la proportion de titres cotés des pays de l’OCDE hors Union Européenne.

La notion de risque a changé

Mais de telles contraintes, motivées par l’ambition de réduire le risque dans les portefeuilles, ne risquent-elles pas de générer l’effet contraire ? D’abord, elles limitent considérablement l’accès à des marchés majeurs hors de l’OCDE tels que –entre autres- les Etats-Unis et semblent ignorer le fait que le risque a en quelque sorte changé de camp depuis l’étude des comptes des caisses par l’IGAS. La baisse des taux d’Etat jusqu’à des niveaux jamais vus a fait naître dans les portefeuilles des risques de taux inouïs, qui rendent plus indispensable que jamais une réelle diversification des actifs des investisseurs de long terme. A l’inverse, les diverses réglementations européennes adoptées, à l’exemple d’EMIR sur les dérivés, vont dans le sens d’une meilleure lisibilité du risque. Un des problèmes soulevés par le projet de réforme est aussi de savoir s’il est opportun de loger à la même enseigne des acteurs travaillant dans des contextes réglementaires différents et avec des objectifs de gestion différents, dépendant bien évidemment de la longueur de leurs passifs respectifs. Sans parler du fait que d’autres institutions, porteuses quant à elles de régimes de retraite par capitalisation, seront hors du champ d’application du décret, aboutissant à une sorte de distorsion de concurrence entre régimes.

La réforme doit s’inscrire en cohérence avec la volonté publique

Surtout, il nous semble indispensable que la future réforme s’inscrive en cohérence avec d’autres initiatives publiques. Alors que la volonté gouvernementale est de rediriger les flux financiers vers des marchés financiers vers l’économie réelle, comment ne pas s’inquiéter du fait que le futur décret va brider la possibilité des caisses d’investir dans la dette privée ou le private equity ? De la même manière, on peut saluer l’incitation faite aux investisseurs à s’impliquer dans le financement de la transition énergétique, au travers de l’article 173 de la loi sur la transition énergétique votée en 2015. Il est évident qu’une part importante de tels enjeux va se jouer via des actifs « non traditionnels » comme les infrastructures d’énergies renouvelables ou les green bonds. Encore faut-il que la réforme ne vienne pas diminuer fortement la capacité d’intervention des acteurs les mieux à même de participer à ce tournant majeur pour les générations futures.

Certes, le projet de décret laisse une porte ouverte, en prévoyant des fonds mutualisés. Mais du fait de leur définition même, ces véhicules qui s’apparentent à des fonds Club, qui devraient accueillir des investissements de la part de deux caisses de retraite et d’un assureur au moins, semblent difficilement réalisables et vont avoir du mal à monter en puissance, avec à la clé des risques en matière d’efficacité et de performance. Sans nul doute, la volonté de la force publique de protéger les retraités actuels et futurs est légitime, mais l’inquiétude suscitée chez les caisses de retraite concernées par la première version du texte l’est tout autant. Dans un contexte de marché atypique et instable, préserver leur liberté de manœuvre et leur souplesse dans la réallocation d’actifs nous semble un élément indispensable pour qu’elles puissent continuer à assurer leur mission. L’avenir de millions de Français en dépend.

 


Rédigé le 25 octobre 2016

Publié en Octobre 2016

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