L'ingénierie financière au service des stratégies obligataires des assureurs

Points clés

  • Pour améliorer le rendement, de nombreux assureurs commencent à regarder des stratégies non conventionnelles, telles que la dette garantie par des actifs réels qui bénéficie d’une faible consommation de capital (Solvency Capital Requirement) sous la directive Solvency 2.
  • Les gérants de portefeuille doivent intégrer les aspects SCR à l’allocation de portefeuille proposée aux assureurs, ce qui rend le sujet bien plus complexe.
  • Les gérants de portefeuille et les assureurs peuvent travailler main dans la main pour revoir les mandats de gestion, développer de nouvelles capacités de modélisation et explorer de nouvelles classes d'actifs.
Solvency II a des effets majeurs sur les actifs que les assureurs peuvent détenir à leur bilan, leur traitement comptable et le reporting.

Outre la prise en compte systématique du coût en capital (Solvency Capital Requirement - SCR) lors de chaque achat/vente, Solvency II accroît aussi nettement le volume et la qualité des données à déclarer.

Concrètement, à chaque nouvel investissement, les assureurs doivent maintenant connaître la performance probable de l’actif, mais également son impact sur leurs fonds propres. Cela passe par la réalisation d'une série de tests et de modélisations au niveau de l’actif et de l’ensemble du portefeuille.

L’attrait renforcé des actifs de dette alternatifs

La gestion de la transition nécessaire au sein de l’allocation d'actifs implique un travail de modélisation considérable.

Pour faire face à des contraintes de passif à long terme, des actifs obligataires de maturité longue seront nécessaires pour minimiser le coût en capital lié au risque de taux. Dans ce contexte, la classe d'actifs favorisée est de toute évidence la dette souveraine à long terme, qui contribue également à maintenir l’alignement de la duration des portefeuilles avec le passif des assureurs. Au sein de l’allocation des assureurs, la dette souveraine sera probablement panachée avec des obligations d'entreprise court terme, peu pénalisées en termes de consommation de capital en raison de leur duration courte.

Toutefois, aucun de ces instruments ne résout le problème épineux du rendement, et, pour accroître ce dernier, de nombreux assureurs commencent à se tourner vers des stratégies relativement peu conventionnelles. Il peut s’agir de stratégies moins liquides investies par exemple dans de la dette privée d’entreprise, les prêts immobiliers commerciaux, ou des actifs alternatifs avec une maturité longue comme la dette infrastructure, les crédits immobiliers résidentiels, les agences de crédit à l’exportation et la dette supranationale.

Les instruments de dette adossés à des actifs réels présentent un attrait particulier. Si le crédit titrisé (CLO et ABS, par exemple) est lourdement pénalisé par Solvency II, les actifs réels, pour leur part, bénéficient d’un coût en SCR relativement faible. Ainsi, le coût en SCR de la dette infrastructure est nettement plus bas que celui d’une obligation standard de même maturité. Même si sa liquidité et sa disponibilité limitent son poids dans l’allocation stratégique, la dette infrastructure reste un bon élément de diversification et contribue à augmenter le rendement d'un portefeuille.

Le SCR de la dette en actif réel non noté (immobilier et infrastructure) est plus faible car celle-ci est collatéralisée par l’actif sous-jacent : une dette immobilière pourra voir son SCR diminuer jusqu’à 50 % en fonction du niveau de collatéralisation.

Les gérants d’actifs doivent développer de nouvelles expertises

Les classes d'actifs alternatives affichant des spreads relativement plus élevés deviennent plus attrayantes durant les périodes de taux d'intérêt bas. Elles nécessitent cependant des capacités de recherche étendues, à même d’identifier les opportunités d'investissement, d’évaluer et de valoriser les risques, ainsi que des compétences pointues en matière d’implémentation. Avec Solvency II, l’allocation d'actifs ne dépend plus seulement de l’attractivité des actifs, mais aussi de la structure de passif de l’assureur et du coût du capital.

Conséquence : les assureurs doivent avoir une vision détaillée de leur actif et leur passif, mais aussi du coût marginal du capital supplémentaire, du coût global du capital, et doivent également être en mesure de définir leur appétence au risque. Les allocations stratégiques vont devenir plus précises et plus dynamiques.

Dans ce scénario, les gérants d’actifs doivent endosser un nouveau rôle et aider les assureurs à affiner leurs processus décisionnels, en tenant compte des espérances de rendement, des objectifs de profitabilité et des limites de risque.

Le cas échéant, cette coopération renforcée peut aller jusqu’à la conception du modèle interne de l’assureur pour lequel la longue expérience des gérants en matière de modélisation et de valorisation des instruments financiers peut contribuer à l’amelioration de la partie ‘actifs’ du modèle de l’assureur. Le renforcement de cette relation passera par la revue des fonds et des mandats en délégation de gestion dans lequels l’assureur est investi, qui devront satisfaire les exigences des assureurs en termes de stratégies d’investissement, mais aussi de données : qualité, délais, traçabilité.

Modélisation quantitative dans la construction de portefeuille

Cette tâche complexe renforce l’attrait des approches quantitatives: celles-ci sont en effet capables d’adapter précisément l’actif aux flux de passif et de contribuer à l’élaboration des budgets SCR. Les régulateurs attendent maintenant des assureurs qu’ils sachent évaluer l’impact de chaque décision d’investissement en termes de SCR (calcul ex post et simulation ex ante) en formule dite standard. L'équipe Analyse & Recherche quantitative - Taux de Ostrum Asset Management entretient à cet égard un dialogue continu avec les assureurs et les aide à trouver le bon mix d’actifs pour optimiser leur portefeuille au regard des budgets ou des contraintes SCR.

La construction de portefeuille doit tenir compte du coût du capital, et chaque stratégie doit être analysée au regard de l’espérance de rendement attendu, du risque incrémental ajouté au portefeuille et de sa consommation en capital.

L'équipe Analyse & Recherche quantitative - Taux de NAM a deux fonctions bien précises : premièrement, contribuer à développer et affiner les stratégies obligataires les plus adaptées aux besoins des investisseurs, en particulier les assureurs dans le cadre de Solvency II, et, deuxièmement, aider à l’implémentation de ces stratégies dans les portefeuilles pour maximiser les performances et optimiser l’allocation d’actifs sous contrainte réglementaire.

Dans sa première fonction, l’équipe fournit son analyse économique et ses inputs quantitatifs à tous les gérants spécialistes et aux comités spécialistes, afin de les aider à former leur propre opinion et affiner leurs stratégies. Pour chaque nouvelle stratégie de portefeuille, l'équipe travaille aux côtés des gérants pour définir les objectifs de risque et de performance et les outils nécessaires à la construction du portefeuille.

Le calibrage de la stratégie en termes de couple rendement/risque est réalisé grâce à des back-tests des stratégies, des techniques de modélisation des portefeuilles et des modèles de valorisation.

Dans sa seconde fonction, l'équipe utilise des modules d’optimisation et de simulation propriétaires pour effectuer des stress tests ou évaluer les risques. Elle peut calculer les exigences de capital pour toutes les classes d’actifs obligataires, quelles que soient leur maturité ou leurs caractéristiques, et analyser leur rendement potentiel sur différents horizons.

Le reporting, partie intégrante de la proposition d'investissement

En termes de reporting, la nouvelle réglementation impose de fortes attentes auxquelles seules les techniques quantitatives peuvent répondre. Les inventaires classiques des portefeuilles ne suffisent plus et doivent être enrichis afin que les assureurs puissent identifier l’ensemble de leurs expositions aux différents marchés et émetteurs.

L’industrie de la gestion d’atifs a pris la mesure du défi. Les associations représentatives en France (AFG – Club Ampère), Allemagne (BVI) et Grande Bretagne (IMA) ont publié un modèle d’inventaire détaillé enrichi qui doit permettre un échange standardisé de l’ensemble des informations nécessaires aux assureurs.

Ces modèles de reporting trimestriel serviront à déterminer si les données requises existent au sein de l’organisation et si elles sont faciles d’accès.

En matière de reporting, le cas des fonds ouverts pose question : Solvency II applique le principe du reporting en transparence (look-through), lequel est problématique pour les assureurs qui investissent au travers d’OPCVM. Mais il existe des solutions. Pour le reporting des risques intégrés aux portefeuilles, les gérants d’actifs doivent être en mesure de fournir un ensemble varié d'indicateurs de risque à même d’illustrer le profil de risque du portefeuille en les dispensant d’une approche granulaire.

Concevoir des produits conformes à Solvency II

Le nouveau reporting Solvency II n’entraîne pas seulement des changements dans les processus de back-office : il appelle à une réflexion approfondie sur les portefeuilles et la manière dont ils peuvent servir au mieux les intérêts des assureurs.

Solvency II a été établie à des fins de simplification et punit les assureurs qui investiront dans des stratégies jugées inutilement complexes. Cela signifie qu'il faudra parfois repenser des stratégies, voire créer des produits totalement nouveaux.

Le principe de base est que les investissements doivent être transparents, pour que le reporting puisse être simple, mais détaillé. Ces mesures impactent lourdement les fonds de fonds, par exemple, dont la multiplicité des lignes d’investissement complique la récupération des données, avec la possibilité que leurs fournisseurs emploient des méthodes de valorisation différentes. Les produits destinés aux investisseurs soumis à Solvency II doivent privilégier la transparence et les placements directs. Les fonds monétaires, habitués à investir dans d'autres fonds monétaires pour gérer leurs positions de liquidités, font partie des véhicules qui devront s’adapter. Le fait d'investir directement peut contribuer à réduire sensiblement la taille des rapports d’inventaire, ainsi que le SCR.

Conclusion – une approche de partenariat

Les exigences de Solvency II en matière de données sont considérables. Toutefois, maintenant que les coûts administratifs ont été absorbés et les systèmes d'information adaptés, gérants d’actifs et assureurs peuvent travailler main dans la main pour revoir les mandats de gestion, créer de nouvelles capacités de modélisation et explorer de nouvelles classes d'actifs. Aujourd'hui plus que jamais, une approche de partenariat est nécessaire pour construire des portefeuilles permettant aux assureurs de faire face à leurs contraintes de passif et d'augmenter leurs marges.

Pour en savoir plus sur l’impact de Solvency II sur les marchés de la dette, lisez le papier de recherche de l'équipe Analyse & Recherche quantitative - Taux de Ostrum Asset Management.

 


Publié en mars 2017

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